Film de court-métrage de Julien Roby
Suisse, 2015. 12’
Librement inspiré par Phédon de Platon et Socrate d’Erik Satie.
SYNOPSIS:
Un homme assiste à la répétition d’une pièce dans laquelle joue son frère, qu’il admire et dont il a coutume de ne manquer aucune représentation.
Note de l’auteur:
Je relaterai pour tout potage un souvenir qui s’éclipse insensiblement derrière ce film. Du temps où nous hébergions Ludo, Fritz, Janis, Erik, John et Charles, dans un trois pièces du Jura. Tel un rassemblement de penseurs en cavale, ils avaient trouvé refuge chez nous et la diversité de leurs caractères et styles de vie égayait notre quotidien.
Lors d’une conversation à table, et après que Charles se fût attardé une fois de plus sur la propension naturelle des hommes à s’adapter, Erik, qui d’habitude ponctuait les beaux discours avec ses fameux ronds et traits (ses traits d’esprit), nous confia tout de go ne s’être jamais remis de la mort de Socrate. Je me sentis alors comme le beurre sur la table: sévèrement ramolli sous l’effet de la chaleur et glissant loin du beurrier qui l’avait jusque-là contenu.
Tandis qu’Erik rendait hommage au philosophe, son regard trahissait toute la tristesse qu’il éprouvait depuis des siècles. Il cherchait à nous faire comprendre –presque silencieusement– l’étonnante facilité avec laquelle la plupart des vivants acceptaient au fil des ans la disparition “du plus sage et du plus juste de tous les hommes”. Ainsi, mieux que personne n’aurait su le faire autour de cette table, il donnait raison à notre biologiste anglais.
J’étais troublé par son intervention et, même s’ils cherchaient tous deux à le dissimuler, je constatai également les yeux larmoyant de Janis et Ludo. Le soleil s’effaçait lentement derrière les immeubles avoisinants. Nous restions tous abrutis dans la cuisine alors ombragée, fixés tels des exclus, qui malgré la science et la lucidité de l’un d’eux, allaient une fois de plus faire la vaisselle à la main et en pleurant.
J.R.
Le Screener du film